Vous avez plusieurs enfants ? Moi, j’en ai deux. Deux garçons qui ont trois ans d’écart.
Vous avez des frères ou sœurs ? Nous on est deux. J’arrive après une grande sœur, avec qui aujourd’hui je m’entends super bien. Mais ça n’a pas toujours été ainsi.
Les relations de fratrie sont très riches. On n’a pas les mêmes limites avec son frère ou sa sœur qu’avec ses parents ou qu’avec des inconnus. Ça peut être à la fois un ami et un ennemi, un proche et un inconnu.
LES RANGS DE NAISSANCE
Notre place dans la fratrie influence qui nous sommes, forge en partie notre caractère. Jane Nelson a mis en lumières certains traits caractéristiques que l’on peut retrouver chez les gens en fonction de leur rang de naissance. Ainsi, généralement les aînés sont responsables, organisés, perfectionnistes, compétitifs, on peut les voir comme des « leaders ». Mais le poids de la critique peut les pousser au conformisme. Chez nos enfants on observe souvent qu’ils sont plus dépendants, que la séparation est plus difficile, qu’ils accaparent plus l’attention.
Les derniers-nés en revanche, grâce à des parents plus confiants, sont souvent plus créatifs et aiment s’amuser. Ils peuvent soit être très autonomes car les parents ne peuvent pas lui donner toute leur attention comme à un premier né, soit au contraire très assistés si les parents font tout pour eux. Continuer à le nourrir eux même alors qu’il serait capable de le faire seul. Continuer à lui lacer ses chaussures jusqu’à un âge avancé… Au fond ils voudraient que leur (dernier) bébé ne grandisse pas trop vite, comment les blâmer.
Personnellement je suis la première de ces mamans pour mon deuxième. Celle un peu débordée qui a repris ses études, lancé un blog, fait des spectacles de marionnettes dans une association qu’elle a créée… Donc, oui mon deuxième est plus autonome, j’ai moins de temps à lui consacrer qu’à mon aîné mais j’ai aussi moins peur pour lui que car j’ai gagné en assurance et expérience. Je le laisse plus expérimenter.
L’APPROCHE SYSTEMIQUE
Adler attirait notre attention sur le fait qu’observé ses similitudes entre personnes du même rang de naissance ne doit pas nous permettre de faire des généralisations. Cela devrait plutôt nous pousser à réfléchir à ce qui engendre ces comportements ou traits de caractères. On se rend ainsi compte que tout repose sur un équilibre très fragile.
Plus tard, en psychologie, l’approche systémique nous donne une vision globale du système familiale et de cette recherche constante d’ajustement pour permettre le maintient de cet équilibre. L’arrivée d’un second enfant est forcément un raz de marée qui va changer toutes les dynamiques de la famille. Il parait qu’à ma naissance, ma sœur n’a pas parlé pendant une semaine. Ses premiers mots furent « c’est bon on l’a eu, on peut la ramener à l’hôpital maintenant ? ».
Pour nous c’est naturel de voir des familles avec plusieurs enfants. Mais pour un enfant, c’est tout son monde qui change et au fond, lui n’a rien choisi. Tant de situations qui nous semblent banales sont en réalité stressantes pour eux. Par exemple : ses jouets de « bébé », ses vêtement préférés « trop petits » … il doit tout donner à son frère et avec le sourire. Ben oui on lui a acheté de nouveaux vêtements à lui, alors certes il adorait son super pyjama Patt’ Patrouille mais il commençait à être petit. Mais lui il s’en fiche qu’il lui arrive à mi-mollet et d’avoir le nombril à l’air, il est tout doux et c’est sa couleur préférée. Le nouveau pyjama ne lui plaît peut-être même pas et de toutes façons personne ne lui a demandé son avis. Comme si ces objets ne lui appartenaient pas vraiment. Déjà que la notion de propriété est assez compliquée à cet âge-là!
Et puis, ils n’ont pas toujours envie d’être « le grand ». C’est une sacrée responsabilité pour eux. On pense bien faire en valorisant leurs capacités de « grands » et en les poussant à montrer l’exemple. Souvent c’est aussi un moteur pour eux, mais il ne faut pas oublier qu’ils restent des petits et que par moment c’est important qu’ils puissent se comporter comme tels.
BIEN PREPARER L’ARRIVEE
D’ailleurs chez nous, l’arrivée d’Ernesto s’est très bien passée. On avait bien préparé le terrain. On avait fait les gros changements, comme arrêter l’allaitement ou le cododo, avant de lui dire que j’étais enceinte pour qu’il ne fasse pas le lien entre ces évènements. Effectivement, faire attention à ces détails peut vraiment faire la différence. Si l’aîné pense devoir céder des choses au bébé, changer ses habitudes alors qu’il n’est même pas encore arrivé cela ne va pas aider à démarrer du bon pied.
Pour nous parents c’est un classique de passer l’aîné dans un lit de grand pour donner le petit lit au bébé. Mais notre enfant peut très mal le vivre, il se sent délogé. Donc quand cela est possible, mieux vaut le faire avant et valorisant ses nouvelles capacités à dormir dans un lit sans barreaux.
On peut aussi lire des livres sur le sujet, il en existe plein et ça ouvre la discussion. Il faut vraiment essayer de cibler les interrogations de votre enfant et pas de projeté les votre ou répondre à des questions que vous pensez que votre enfant se pose. Le but n’est pas de dépeindre un tableau tout rose. C’est bien aussi de le prévenir que vous devrez beaucoup vous occuper du bébé, mais que vous aurez besoin de son aide (pour lui changer la couche ou autre). On peut aussi trouver des petits codes comme « quand j’aurais très envie de jouer avec toi mais que je dois m’occuper du bébé je te ferais un clin d’œil ». Ainsi vous pourrez créer une complicité avec lui en lui faisant comprendre que vous lui consacrerez du temps dès que possible.
Chez nous les problèmes sont arrivés plus tard, quand Ernesto a commencé à se déplacer et à toucher ses jouets. Eh oui on y revient à ce concept de propriété ! Ma patience a été mise à dure épreuve, tout se passait tellement bien avant. Nous avions préparé Emilio à l’arrivée d’un bébé dans nos vies, mais peut-être pas à celle d’un petit frère. Il fallait donc une nouvelle stratégie pour faire face à cette situation.
LES SOLUTIONS DE FABER ET MAZLISH
« Au lieu de mettre de côté les sentiments négatifs qu’un enfant éprouve envers un autre, reconnaissez ses sentiments ».
La manière d’exprimer leur ressenti face à une situation peut parfois nous irriter mais il faut prendre de la distance. Essayons de ne pas nous placer en juge mais d’utiliser l’écoute active en reformulant ce que notre enfant nous dit. Ainsi, non seulement nous reconnaissons son sentiment mais nous lui donnons aussi une façon plus correcte de l’exprimer.
Quand notre aîné nous dit « Tu es toujours avec le bébé », au lieu de lui répondre « Mais non. Je viens juste de te lire une histoire. », nous pouvons dire : « Tu n’aimes pas que je passe autant de temps avec lui ».
Ou bien s’il nous dit « mon frère m’embête, il ne me laisse pas jouer », au lieu de lui donner une conseil « contente-toi de l’ignorer » on peut lui répondre « tu n’aime pas que ton frère casse tes tours de Lego ».
« Accordez aux enfants, de façon imaginaire, ce qu’ils ne peuvent obtenir dans la réalité »
Reprenons le cas de ma sœur qui a dit à mes parents « c’est bon on l’a eu, on peut la ramener à l’hôpital maintenant ? ». Au lieu de répondre « tu ne penses pas ce que tu dis, tu sais que tu aimes ta sœur », mes parents auraient simplement pu dire : « Tu ne veux pas d’elle ici. Des fois, tu voudrais qu’elle s’en aille. »
On peut imaginer un autre exemple : un enfant qui aurait voulu encore une autre poupée. Sa maman lui répond « C’est vrai qu’elle est belle cette poupée, tu voudrais vraiment jouer avec. On pourrait la mettre sur la liste du père Noël à moins que tu préfères le vélo dont on avait parlé ? ». Cette réponse permet à l’enfant de sentir que son désir à de l’importance mais sans y céder. A Noël, la maman avait de toutes façons prévu de lui faire un cadeau, elle pourra choisir parmi ses différents souhaits à ce moment là.
« Aider les enfants à canaliser leurs sentiments hostiles vers une expression symbolique ou créative »
Quand l’aîné arrache un jouet des mains du plus jeune, au lieu de lui dire : « Mais enfin, qu’est-ce que tu fais ? Rends-lui ça tout de suite ! » On peut simplement rappeler la règle et rediriger l’action vers une façon symbolique d’exprimer sa colère : « On n’arrache pas des mains, tu peux te servir de ton coussin pour montrer comment tu te sens ».
Ici nous avons un coussin de la colère, il y a un smiley magique en sequin qui est soit en colère soit content. On l’utilise pour quantifier visuellement la colère. Il peut aussi le lancer, crier dedans ou le taper pour « faire sortir la colère ». Attention, le fait de taper un objet peut être utile avec les tout-petits mais passé un certain âge il vaut mieux éviter de donner cette habitude à l’enfant pour qu’il ne casse pas tout en cas de colère. On peut plutôt par exemple lui demander de dessiner sa colère.
« Arrêter les comportements brutaux. Montrez comment exprimer sa colère en toute sécurité. Evitez d’attaquer l’attaquant »
Quand notre enfant insulte ou frappe son frère ou sa sœur (ou quelqu’un d’autre d’ailleurs), au lieu de lui dire « C’est très méchant ce que tu viens de dire/faire, demande pardon tout de suite ! », On peut lui dire « On ne tape pas, dis-lui comment tu te sens avec des mots » ou bien « Tu as l’air très en colère, au lieu d’insulter, dis-lui comment tu te sens et ce que tu souhaiterais ».
CONCLUSION
Pour finir, j’aimerais souligner un point important : nous ne pouvons pas obliger nos enfants à s’aimer, à être amis ni même à bien s’entendre. Ce n’est pas de notre ressort, cette relation leur appartient. Nous devons simplement être garants du cadre et des règles de savoir vivre. Nos attentes ont un poids qui peut être lourd sur leurs petites épaules. Et parfois en cherchant à rapprocher nos enfants, nous faisons tout le contraire car on ne peut pas forcer l’amour. Cependant, une ambiance familiale saine permettra à vos enfants de développer la meilleure relation qu’ils puissent avoir.