Article du 25/11/2016
Il y a celles pour qui tout se passe bien et d’autres, comme moi, qui enchaîne les soucis. Je me permets un petit conseil : si on tient à allaiter je pense qu’il est important de savoir s’il y a des conseillères en lactation pas loin ou au moins de trouver une sage-femme bien informée sur l’allaitement avant d’accoucher. On pense que ça sera naturel (et ça l’est doute pour certaines), au final on est faite pour ça mais pour moi la réalité a été bien différente. Mon bébé tétait correctement dès le début, mais ce n’est pas le cas de tous, cependant la mise au sein était un enfer. Il mettait continuellement ses mains sur le mamelon juste avant d’essayer de le prendre en bouche. Donc il fallait lui tenir les mains (les deux), la tête et mon sein pour aider à la mise en bouche. Donc, oui vous avez bien fait le compte, il fallait quatre mains et non ce n’était pas naturel. Je me demande encore aujourd’hui pourquoi le personnel de la maternité ne m’a pas appris à faire seule. Quand je les appelais, ils le faisaient à ma place ; panique le dernier jour quand je me suis dit que dès le lendemain j’allais devoir me débrouiller seule. Bon au final on y arrive et le congé paternité sert aussi un peu à ça, mais c’est très déstabilisant.
Mon fils a un palais très creux et cela lui donne une succion très forte, de plus je pense avoir les mamelons particulièrement sensibles car dès la tétée de bienvenue la douleur était présente. Plus le temps passait plus la douleur était forte. Déjà à la maternité je n’arrivais même pas à écouter quelqu’un qui me parlait pendant que j’allaitais à cause de la douleur, du moins les premières interminables minutes. Très rapidement j’ai eu des crevasses très profondes et sanguinolentes. Mais je tenais bon, je ne voulais pas abandonner. Je savais que je devais me faire aider mais je n’osais pas appeler. Au bout d’une semaine de souffrance, une nuit, mon compagnon m’a retrouvée en pleurs, je n’y arrivais plus. Plein de compassion il m’a proposé de donner un biberon pour que je puisse me relaxer et que notre fils se calme car plus il avait faim plus il pleurait et s’agitait. J’avais encore les seins bien gonflés et douloureux de la première montée de lait et je n’avais pas de tire lait (autre grosse erreur, ne pas l’avoir loué immédiatement à la sortie de la maternité). J’avais peur de l’engorgement donc j’ai d’abord essayé les bouts de sein mais sans résultats. On a donc donné son premier biberon à mon fils bien plus tôt que je ne l’aurais espéré, je suis cependant contente d’avoir été trop prévoyante et d’avoir acheté une boîte de lait même si je voulais allaiter. C’est mon chéri qui lui a donné, j’étais trop tendue et je voulais lui laisser la possibilité de nourrir notre fils au moins une fois. Je suis retournée au lit une boule dans le ventre. J’appréhendais la prochaine tétée et je me sentais coupable, une mauvaise mère incapable de nourrir son fils. Le moment arriva bien vite, bébé pleurait et avait de nouveau faim, il fallait que je vide mes seins donc pas le choix. La douleur était toujours aussi forte donc j’ai retenté les bouts de sein et miracle mon fils les a acceptés et j’avais beaucoup moins mal.
Le lendemain j’étais chez ma sage-femme qui me reprochait de ne pas l’avoir appelée avant. Elle m’a beaucoup rassurée, m’a prescrit un tire lait, m’a donné de l’homéopathie et m’a remontrer comment bien positionner mon fils de différentes manières pour soulager un peu le mamelon. J’avais trop peur du tire lait, je pensais que vu l’état de mes seins, ça ne pouvait être que douloureux et des douleurs j’en avais assez eu. Avec les téterelles je savais que je pouvais gérer. Elle m’a donné rendez-vous une semaine après en me conseillant d’utiliser plutôt le tire lait le temps de la guérison et en me disant de remettre bébé directement au sein le plus vite possible.
Mon fils était plus calme et m’avait l’air plus serein, je pensais que c’est parce que moi j’étais plus tranquille. Il passait ses journées à dormir et se réveillait pour manger. Il dormait de plus en plus, un bébé de deux semaines qui faisait presque ses nuits, ça me paraissait quand même louche. J’ai donc rappelé ma sage-femme qui m’a dit de bien le stimuler, voir le réveiller la journée pour qu’il ait ses huit tétées. Mais déjà là les jugements ont commencé, tout le monde me disait « laisse le dormir », « on ne réveille pas un bébé qui dort », « un bébé ne se laisse pas mourir de faim » ou « qui dort dîne ». Jusqu’à ce que ma cousine, auxiliaires de puériculture, me dise qu’il a l’air un peu amorphe et que je ferais mieux de consulter. Ça tombait bien le lendemain j’avais rendez-vous. Et là, l’horreur, on pèse mon fils et il avait perdu 200 grammes en une semaine. Je vais voir un pédiatre et passe immédiatement bébé au bib ; malgré ma persévérance, mon désir d’allaitement était mis à rude épreuve. Je n’avais plus de lait. Plus le choix : tire-lait obligatoire pour relancer ma lactation, et pas celui que la pharmacie m’avait refilé pour se faire une bonne marge dessus mais cette fois la Ferrari du tire-lait : le Medela Symphoni double pompage. La sage-femme m’a expliqué que d’une marque à l’autre on pouvait soit sauver soit couler mon allaitement. Donc je retourne à la pharmacie, leur rends leur vieux coucou et demande ma Ferrari. Il me regarde comme une ahurie en me disant qu’il n’y a absolument pas de différence, que celui que je demande est juste plus cher… J’ai dû batailler avec eux mais j’ai enfin obtenu mon super tire lait qui, soit dit en passant, est remboursé par ma mutuelle.
J’ai donc passé une semaine à tirer mon lait pour donner un premier petit biberon de mon lait (au biberon ça coule plus facilement donc c’était plus facile pour mon fils qui était en « économie d’énergie » et qui devait reprendre urgemment du poids) et ensuite un complément de lait artificiel. Et rebelote toutes les deux heures, jour et nuit. Je voyais ma production augmenter et les compléments diminuer. Mes mamelons cicatrisaient aussi mais la peur était là. Peur d’avoir à nouveau mal et peur de ne pas savoir combien mon bébé prendrait au sein. Je décide donc de retourner chez ma sage-femme, encore, pour faire une première mise au sein avec elle. Tout s’est bien passé et elle m’a conseillé de remplacer deux biberons par des tétées et de proposer un complément après au cas où il ait encore faim. J’ai ensuite pris rendez-vous chez une consultante en lactation pour voir comment repasser à un allaitement exclusif. Et comme par magie j’y suis arrivée et prend aujourd’hui un grand plaisir à allaiter mon fils et envisage actuellement un allaitement long et peut-être même un sevrage naturel.
Je reprenais petit à petit confiance en moi et en mon allaitement et un jour je suis allée chez le dentiste. Oui ça peut paraître hors sujet comme ça mais ça ne l’est pas. Je demande à ma maman de m’accompagner pour garder le petit dans la salle d’attente, il tète encore trop souvent pour lui laisser à la maison et sincèrement je ne m’en sens pas prête. Il pleure beaucoup et a besoin de moi, il a besoin que je le rassure. Ou peut-être ai-je besoin de me rassurer en le maternant car j’ai vraiment eu l’impression d’être une mauvaise mère qui a affamé son fils pendant une semaine au point qu’il préférait dormir que de pleurer pour garder ses forces et parce qu’au fond pleurer ne servait à rien, il n’avait pas plus à manger pour autant. Encore aujourd’hui quand j’y pense j’ai envie de pleurer. Après mon soin dentaire je retourne dans la salle d’attente, je vois qu’il a faim et je ne veux pas le faire attendre (oui on a tous les deux été traumatisés par cet expérience) mais il est tard et je ne veux pas retarder ma maman qui doit rentrer manger, je décide donc de donner une petite tétée pour faire patienter bébé jusqu’à chez ma grand-mère chez qui j’allais manger en pensant avoir trouvé une solution win-win.
A la première pause de bébé, hop je remballe mon sein et c’est parti ! Je dépose ma mère et vais chez ma grand-mère. Là-bas, je m’empresse de proposer une nouvelle tétée à mon fils qui hurlait déjà dans la voiture. Rien à faire il n’en veut pas. Il hurle dès que je m’approche mais je sais qu’il a faim. Je suis perdue, désemparée. Ma sœur me propose de le garder le temps que je cherche un biberon à la maison. Je file donc chez moi et fais l’aller-retour en un temps record malgré mes yeux pleins de larmes. Oui encore un échec, mon fils ne veut plus de moi. J’arrive et lui donne son biberon qu’il finit en 2 minutes car oui, il avait faim. Je rappelle donc ma sage-femme pour savoir ce que je dois faire, elle me parle d’une grève de la tétée. Et là je me dis que je suis maudite, c’est sur moi que tous ces trucs bizarres doivent tomber. Il a fallu regagner la confiance de mon tout petit pour remettre en place l’allaitement. Pendant quatre jours, je devais anticiper ses besoins et le nourrir avant qu’il pleure, quand il était très calme voir endormi. J’ai donc passé ces journées au lit avec lui à faire un peu de peau à peau et à lui indiquer ma présence comme en haptonomie pour qu’il se sente en sécurité. Et ça a marché ! Mais là encore il a fallu faire face aux commentaires de mes proches : « Tu crois pas que tu cogites un peu trop ! », « C’est peut-être qu’il faut le passer au biberon, c’est sa volonté ». Comment un bébé de un mois peut VOULOIR le biberon plutôt que sa maman. Un bébé habitué au biberon peut refuser le sein car il ne sait plus téter correctement, que c’est plus difficile, c’est la confusion sein/tétine. Mais moi j’étais repassé en exclusif depuis un petit moment donc ce n’était pas ça. Et passer au biberon sans avoir regagné la confiance de mon fils aurait été un échec pour moi mais aussi un traumatisme pour lui. En persévérant je pense lui avoir appris qu’on peut réparer ces erreurs.
Je tiens à remercier Marie-Claire Franck et Stéphanie Leber, les deux sages-femmes qui se sont occupées de moi. Sans elles je ne sais pas si j’aurais pu réaliser mon souhait d’allaiter, au départ jusqu’à six mois et maintenant d’allaitement long (à durée indéterminée).
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